vendredi 28 novembre 2014

AC/DC - Rock Or Bust (2014) Album Review




 Le plus mauvais service que l'on peut rendre au nouvel album d'un groupe mythique est d'avoir des attentes disproportionnées. Il est simplement impossible, pour un groupe de rock avec plusieurs dizaines d'années de carrière derrière lui, et d'autant plus lorsqu'elles ont été couronnées de succès, de manifester la même fougue créatrice que lors de ses plus anciens albums. Je ne prêche pas ici le grand classique "c'était mieux avant"  au contraire, je considère cet état de fait comme un prérequis absolument nécessaire pour pouvoir apprécier à sa juste valeur tout opus récent des grands dinosaures du monde de la musique.
Tout désireux d'une re-formation qu'ils peuvent être, les fans de Led Zeppelin pensent-ils vraiment que Jimmy Page, dont les récentes prestations montrent une pratique de l'instrument plus que douteux, ou que Robert Plant, vieux lion dont le rugissement n'est plus le même qu'en 1979, et encore moins qu'en 1971; sont capables de pondre un album à la hauteur de Led Zeppelin II ou de Physical Graffiti ?Et d'ailleurs, en auraient-ils envie? Que reste-il à prouver à de tels groupes? Certainement rien. l'incroyable concert de 2007 à l'O2 Arena était une bénédiction éphémère, un miracle, désormais évanoui.

Je ne demandais pas à AC/DC d'enregistrer un Back In Black "II", ou, mieux encore, le fils spirituel de Powerage. C'est impossible, et d'ailleurs, je ne sais pas si j'arriverais à prendre au sérieux des millionnaires chanter Ain't No Fun ou Down Payement Blues.
Il ne faut d'ailleurs pas oublier qu'AC/DC peine encore à revenir de très loin. A la tragédie, conclusive pour les uns, fondatrice pour les autres, de la disparition de Bon Scott en février 1980 alors que le groupe était sur la voie de la domination sans partage de la scène rock mondiale, s'ajoutent d'autres malheurs. Malheurs qui sont peut-être d'ailleurs encore plus terribles quand on connaît l'histoire du groupe depuis la disparition de Scott. Il y a quelques semaines, le groupe officialise les rumeurs plus qu'inquiétantes. Malcolm Young est out. Man Down, comme l'a dit le chanteur Brian Johnson. Le guitariste rythmique, atteint de démence, doit être hospitalisé. Lui, l'homme du riff de Back In Black. L'homme qui envoie bouler Nikki Sixx qui fout le bordel backstage. L'esprit silencieux d'AC/DC qui vire Phil Rudd en 1983 pour excès de drogue. Angus Young, son frère, n'a de cesse de le répéter: "Malcolm is the Brain. AC/DC is his band". Comme lors de la tournée Blow Up Your Video, mais cette fois, de manière définitive, c'est son neveu, Stevie Young, qui prend en charge la guitare rythmique. Il jouera en tournée comme sur l'album.
D'ailleurs, s'il y en a un qui a failli ne pas jouer sur l'album, c'est bien le batteur Phil Rudd. Quasiment remplacé au pied levé par le producteur Brendan o'Brien , c'est avec presque deux semaines de retard que Rudd arrive à Vancouver pour jouer ses parties de batterie. On n'était déjà pas rassuré à la vue d'un Phil Rudd totalement camé certainement très fatigué par les interviews pour la promotion de son album solo, il y a quelques mois : ses récents déboires judiciaires continuent d'attiser les braises -ou risquent d'éteindre la flamme pour toujours. Le groupe a d'ailleurs rappelé qu'il n'était pas certain que Phil soit de la tournée, il n'est même pas présent dans les deux clips promotionnels pour l'album. Après le cerveau, AC/DC a peut-être perdu son groove. Pour toujours. 


AC/DC a une longue tradition d'excellents premiers morceaux d'albums. Difficile de faire mieux que ThunderstruckHighway To Hell ou encore Rock N'Roll Train en matière d'opening. Rock Or Bust, le morceau titre, n'a pas vraiment de quoi rougir. Riff très simple mais très mordant, batterie bien punchy, on est en terrain connu dès le début. La production impressionne dès les premières secondes: la batterie en particulier, sonne diablement bien. Les habitués de la musique du groupe remarqueront que la guitare rythmique est bien plus haut dans le mix que d'habitude. Et que dire de Brian Johnson: 70 balais, moins brailleur qu'à l'accoutumée il...chante presque sur ce morceau, déclamant des paroles qui résonnent avec encore plus de force compte tenu de la situation compliquée du groupe. 




Objet malheureux d'un contrat avec la MLB, le second titre Play Ball est lui aussi un single tout désigné. Fait rare chez une machine à riff telle qu'AC/DC, je trouve la mélodie des couplets plus accrocheuse que celle des refrains,où c'est vraiment Brian Johnson qui se taille la part du lion. Joli mur de guitares lors des accords de fin de refrain/pré-couplet. Mention spéciale au clip le plus (in)volontairement ridicule de l'Histoire.


Troisième morceau, Anything Goes...euh non, attendez, Rock the Blues Away. Les mélodies vocales sont pratiquement identiques : faites l'expérience chez vous (#interactivité), chantez les paroles de l'une en écoutant l'autre, ça se cale bien sans trop de difficulté. Bon, on passe.

Joli petit riff pour ouvrir le quatrième morceau, Miss Adventure. Gros chœurs bien virils de Cliff Williams et Stevie -parce que oui, on peut être viril en chantant "La La La La", c'est une révélation pour moi aussi. Petits overdubs de percussions assez surprenants avant le solo, qui parachèvent une partie de batterie au son monstrueux.

Dogs of War s'ouvre sur des notes de guitare qui m'ont de suite fait penser au break du morceau Rocket de Def Leppard. La basse de Cliff marque la cadence, tandis qu'Angus martèle le titre du morceau. Puis place à ce riff, le riff de l'album, syncopé, venimeux. Et en plus le solo sonne bien. Je serais très surpris que ce morceau ne soit pas présent dans la setlist de la future tournée.

Joli groove sur Got Some Rock N'Roll Thunder un petit peu gâché selon moi par ce riff bras dessus-bras dessous, façon fête de la bière. Encore une intéressante expérimentation par le biais des overdubs de percussions. Oh, c'est quand même assez entraînant, et puis Cliff a l'occasion de jouer des notes différentes au sein d'un même morceau ! Le tout sonne très Stiff Upper Lip.

Hard Times montre bien à quel point le son Phil Rudd est essentiel sur un album d'AC/DC. Rien de technique dans cette piste -même le Lars Ulrich de 2014 pourrait la jouer, si on lui enlève son horrible double pédale- et pourtant seul Phil la joue exactement de cette façon. Le morceau en lui-même est efficace mais assez oubliable. A nouveau, de grosses réminiscences de Stiff Upper Lip.

Baptism By Fire est un peu ma grosse déception de l'album. Parmi tous les titres inscrits au dos de l'album, c'est celui qui me semblait le plus prometteur. En fait, la chanson n'a rien de transcendant : en particulier, la diction sur le refrain est très artificielle et forcée.

Pas de problème sur ce point avec Rock the House, le refrain est on ne peut plus fédérateur; le riff est une base solide de quelques notes sur laquelle Angus joue un solo qui s'étend sur plus d'un tiers du morceau. Plutôt un bon titre.

Quelques phrases en registre bas au début de Sweet Candy continuent de m'abasourdir à propos de la condition vocale de Brian Johnson. Le morceau constitue par ailleurs pour moi le point culminant de la seconde partie de l'album.Le riff syncopé avant le solo est jouissif.

Drôle de son de snare au début d'Emission Control, même si ça se calme par la suite. Là, c'est l'album Black Ice qui est rappelé à notre bon souvenir, même si le riff est plus heavy que n'importe lequel issu de l'album de 2008.







Je pense que les meilleurs morceaux de Black Ice étaient meilleurs que les meilleurs de Rock Or Bust. Cependant, le tactique de préférer des morceaux moins nombreux (11 contre 15) et plus courts rend l'écoute  de ce nouvel opus  plus agréable. Où situer ainsi ce qui  est certainement le dernier album d'AC/DC au sein de la discographie du groupe? Impossible certes de le faire lutter face aux idoles Back In Black, Powerage ou même For Those About To Rock. Cela dit, il est pour moi un album clairement meilleur que Blow Up Your Video, Stiff Upper Lip et The Razor's Edge. A l'image de ce qu'a pu faire Van Halen avec A Different Kind Of Truth, à savoir revenir à d'anciennes démos plutôt que d'enregistrer de nouveaux morceaux, l'album est une synthèse plutôt bonne des précédents opus. Le fait que ce se soit fait par obligation plus que par choix n'est ps à oublier, tant la force créatrice de Malcolm Young était un élément clef du groupe. Mais AC/DC peut clore sa carrière studio avec Rock Or Bust. Je suis certain que Malcolm approuverait.


(MAJ 29/11 2014) Apparemment, une version 24 bit/96 kHz est disponible en pré-commande sur Qobuz, ainsi qu'une version masterisée pour iTunes. J'ignore dans quelle mesure ces deux versions diffèrent au niveau du mastering par rapport au CD, qui est la version sur laquelle je me suis basé pour la chronique. Je vais sûrement me procurer la version en haute-résolution, et j'attendrai d'avoir des retours pour vous parler de la version MFiT. Je vous tiens au courant!

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